Avec le topo préparé par Jean et les vues satellite assemblées par Patrick, le tout complété par les observations du paysage et les relèvements au compas, notre route s’ouvrait désormais devant l’étrave de nos canoës sans le moindre écart. Parfois, nos choix se trouvaient confirmés par l’orientation des algues trahissant le sens du courant qui s’écoulait lentement dans ces vastes étendues d’eau.
Peu après la pause médiane, la rivière se mit à serpenter dans un dédale d’îles et de petits lacs entre des forêts d’épinettes portant des affres des récents incendies sur de très larges surfaces.
Au terme d’une vingtaine de km de navigation tranquille, la flottille partagée entre s’arrêter là ou poursuivre un peu plus loin décida, fatigue aidant, de poser les pagaies au plus près, sur un petit isthme en rive droite avec deux plages de chaque côté, certes étroites, mais magnifiques.
A l’abri sous le vent, le camp fut posé malgré quelques bois brûlés et un vent d’ouest soutenu. Le soleil, de retour, rendait la perspective de ce campement très heureuse.
Il était encore tôt, et il faisait beau, l’occasion d’un petit temps de farniente sur une plage perdue dans le grand nord canadien. Unr situation inédite bien agréable, même la baignade fut tentante, mais à 16°C au maximum, la plupart d’entre nous, à l’épiderme sensible, dut y renouer.
Le soir venu, alors que la lumière du jour commençait à décliner, tiraillé par l’estomac, l’équipe s’agita pour déballer la popotte et préparer le repas au gré des inspirations, aucun menu n’ayant été préalablement déterminé, ce qui laissait libre cours à toutes les idées, sans que le choix retenu ne fasse réellement débat. Jean commença par préparer des beignets aux pommes avec la farine embarquée à bord. En plus d’une énergie débordante, et d’une inlassable volonté de transmettre, les plus aguerris de ces voyages en canot camping avançaient leurs méthodes, leurs façons bien à eux de préparer les œufs ou le poisson, avec ou sans huile d’olive, avec ou sans gingembre, les pâtes ou le riz, la technique pour démarrer le feu ou celle pour éplucher oignons ou échalotes … Et tout cela non sans une certaine autorité, bien drôle pour l’observateur que j’étais, modeste commis de cuisine. Je me délectais des débats parfois passionnés entre nos chefs embarqués sur ces détails qui n’avaient évidemment rien d’universel, chaque méthode étant propre à celui qui la poste dans son objectif culinaire et le niveau d’importance qu’il lui apporte. Un vrai spectacle profondément humain et attachant, plein de bonnes attentions.
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