de la plage amont Natastan à la plage en nord de baie – 19 km (Total : 91 km)

Météo : Soleil le matin puis mitigé avant le retour d’un ciel clair en fin de journée, vent soutenu
Une pluie modérée mais continue jusqu’au milieu de la nuit, les vêtements trempés vont avoir le plus grand mal à sécher, le stock de changes s’amenuise rapidement, le soleil est maintenant vivement attendu dans ces contrées lointaines. Arrive-t-il seulement qu’il fasse beau ici durablement ? au moins une paire d’heures. Au petit matin, vers 5 h 20, une timide lumière semble poindre par le levant. Est-ce un bon signe ? Fini le temps de l’optimisme climatique sous ces latitudes, nous verrons bien. Pour l’instant, seul compte un bon café chaud avant que la troupe ne s’extirpe de son sommeil profond et réparateur. Une heure plus tard, le soleil est là, enfin, mais encore trop timide pour assécher l’atmosphère détrempée. A présent, il est temps de plier le campement et de quitter la rivière de Maurès pour rejoindre la rivière Natastan désormais toute proche avec ses eaux vives annoncées généreuses par le topo et son débit bien plus soutenu, de l’ordre de 150 m3/s. environ selon Jean.  

Malgré le temps encore une fois indécis, le rituel de démontage du camp fut efficace, chacun y participant activement. Les premiers coups de pagaie purent être donnés dès 7 h 30, la flottille atteignant en 20 minutes à peine la confluence de la Natastan dominée par une belle cabane. Après 70 km environ, c’en était maintenant fini de la petite rivière de Maurès, notre route commençait à présent à obliquer peu à peu vers le nord-ouest. Dès les premiers méandres, l’équipe put constater le changement de débit, notamment dans le premier rapide, un classe 3 sportif dans lequel il fallut négocier la meilleure trajectoire. Les mouvements d’eau se révélèrent nettement plus puissants, les eaux plus vives et le courant plus puissants avec des rochers un peu partout à éviter à tout prix pour éviter le dessalage, ou pire, la cravate avec tout le matériel à bord. Le passage suivant, de classe 3 / 4, un niveau technique encore un peu plus sportif, fut reconnu par la rive droite afin de déterminer le meilleur cheminement entre les rochers et les gros rouleaux desquels il convenait de se maintenir à bonne distance. L’eau sombre rendait difficile le repérage des cailloux et des pleureurs par l’amont, nous nous repérions grâce à l’écume blanche des mouvements d’eau, privilégiant les lisses d’eau dans la zone de friction entre courant et contre-courant. A tour de rôle, tous les équipages, composés de pagayeurs expérimentés, franchisèrent ces rapides sans encombre, conservant une juste vitesse pour ne pas être malmenés par les mouvements d’eau. La moindre béquille de la coque sur un caillou non repéré pouvait être fatale et provoquer instantanément un dessalage en plus d’endommager l’embarcation.

Au détour d’un beau passage et d‘une courte pause, Jean et Denis profitaient de ces eaux vives pour débarquer et taquiner la truite depuis la rive, attrapant deux belles truites qui remontaient le rapide, ainsi qu’un beau brochet prévu le soir même au court-bouillon avec quelques amandes. 

Portée par un courant sensible générant un beau clapot contre un vent de face, la flottille rejoignait dès le début de l’après-midi l’objectif du jour, une longue plage située au nord d’une baie relativement abritée du vent par un bois d’épinettes assez dense. Là, après avoir savamment déterminé l’emplacement du campement au terme de quelques palabres relatifs à la meilleure configuration possible à adopter, l’équipe eut l’heureuse et inattendue surprise d’un franc et durable retour du soleil pendant plusieurs heures, largement assez en tout cas pour enfin pouvoir sécher tout le matériel, les tentes et les vêtements trempés par quatre jours de pluie. A un rythme tranquille, presque nonchalant, chacun s’accordait alors un peu de temps libre, les uns affairés à mille et une tâches pour le bien commun du campement, les autres profitant plutôt de l’aubaine climatique à la durée incertaine pour s’abandonner à quelques instants contemplatifs bien agréables. Curieux en effet ce sentiment de nous retrouver là, éloignés de tout, immergés dans cette nature profondément sauvage aux dimensions immenses auxquelles nous étions réellement peu coutumiers. Et pourtant, au sein de notre petit groupe, il n’était pas évident, excepté le matin tôt, de s’accorder un peu de solitude réflexive et profiter de ces instants furtifs et précieux. Ce besoin d’évasion solitaire reste propre à chacun. Pour moi, cela était indispensable, je ressentais cette appétence à faire corps avec le milieu que nous traversions, le plus discrètement possible. Ici, désemparés de tous les artifices de notre confort contemporain, la nature nous rappelle la réalité de notre condition humaine, insignifiante et fragile. Respect et humilité sont ici des règles d’or qui s’imposent à tous.