de la Plage en aval des fondrières à la plage en amont de la Natastan – 28 km (Total : 72 km)

Météo : Maussade le matin puis rares éclaircies avec retour de grains en fin de journée
La nuit fut étonnante de silence à peine perturbée par quelques rares cris d’oiseau, outardes, autres palmidés ou sternes de passage. Au matin, la lueur pointe ici à cette époque bien avant 6 h pour décliner assez tôt le soir vers 20 h. Nous nous trouvions sans doute dans un créneau horaire en léger décalage plus proche de l’ouest que de l’est, mais ici, personne ne semblait s’en soucier, la mesure du temps n’étant qu’une préoccupation humaine et contemporaine Dehors, le calme et la sérénité devenaient presque troublants, l’espace ici écrasait l’environnement, nous n’y étions vraiment pas accoutumés. Sur l’eau calme, l’effet miroir nous offrait un reflet presque parfait à perte de bue, dédoublant les épinettes avec symétrie. Petit instant de solitude et de réflexion avant la levée des équipages, le temps de méditer assis sur un tronc mort sur cette grande plage, le temps d’allumer le feu avec de l’écorce de bouleau séchée, de prendre un peu d’eau - potable – à la rivière et de la faire chauffer sur le feu pour le premier café du jour dans mon mug en aluminium. Bientôt, un petit crachin fit son apparition, signe d’une nouvelle journée humide. Toute l’équipe s’extirpa des tentes et se retrouvait à l’abri sous la bâche pour le breuvage matinal accompagné de quelques tartines. L’objectif du jour consistait à gagner encore un peu vers le nord-est sur la rivière de Maurès en nous rapprochant le plus possible de la rivière de Natastan. A la lecture du topo, la difficulté allait être de déjouer tous les pièges de navigation en suivant le plus possible le sens des algues poussées par le courant.

Le vent ayant viré au nord, cela opposait une franche résistance à nos canoës chargés avec un petit clapot bien marqué qui nous obligeait à appuyer un peu plus fort sur nos pagaies pour maintenir l’allure. Au détour d’un méandre, la flottille eut la chance de croiser furtivement un caribou de passage sur la rive, et plus loin, sur la même rive gauche, à l’occasion d’une courte pause sur une belle plage, nous trouvions dans le sable d’énormes traces d’ours, d’une taille d’un tiers plus grande qu’une main humaine adulte. Cela trahissait le passage sans doute très récent du plantigrade discret. Nous devions rester sur nos gardes et conserver une relation courtoise mais distante avec l’animal imprévisible. Observant attentivement le topo et les cartes satellites, la flottille déjoua un à un tous les pièges de la navigation en marquant une pause sur une belle plage près d’un abri en bois sur les rives du Lac Derousset. De là, au cap préalablement déterminé, sur un horizon uniforme, les trois canoës retrouvèrent le cheminement de la rivière à travers ce dédales d’îles et de plans d’eau plus ou moins grands entrecoupés de rapides encore tranquilles pour l’instant.

L’objectif déterminé le matin fut rapidement atteint mais en guise d’abri en bois tel que le décrivait le topo, il ne subsistait en fait à cet endroit qu’une construction sommaire et écroulée sans le moindre espace autour pour établir notre campement ou planter nos tentes. Malgré les épaules endolories par les quelques 25 km déjà parcourus, l’équipe dut se résigner à repartir en quête vers l’aval d’un meilleur lieu de campement. Sur nos documents, une plage orientée sud à 3 km de là semblaient faire l’affaire, ce fut notre nouvel objectif. Lorsque que nous arrivions, il ne s’agissait en fait qu’un d’une étroite bande de sable adossée à un petit espace de végétation basse et coincée entre la rivière et un étang fermé juste au-dessus. La plage était encombrée de bois mort. L’endroit n’offrait pas toutes les qualités escomptées mais nous n’avions plus de perspectives proches en aval, nous décidions donc malgré tout d’y établir notre campement au prix de quelques aménagements et d’un peu de ménage sur le sable pour évacuer le bois mort encombrant.

Ce fut une sage décision car une demi-heure plus tard, alors que nous venions juste de terminer le montage du campement, un violent grain arriva par le nord et déversa de fortes averses de pluie une heure durant avec de fortes bourrasques de vent qui nous firent craindre l’envolée de la bâche sous laquelle nous nous étions tous réfugiés. Il n’en fut rien heureusement, mais les affaires mouillées depuis le départ demeurèrent humides avec l’assurance d’enfiler le lendemain des équipements froids et trempés. Après la tempête et ses couleurs vives, un bon repas de riz et de chou agrémenté d’une soupe copieuse réchauffa les esprits avant une bonne nuit réparatrice à nouveau sous la grisaille dans un endroit improbable inconnu même de notre topo.