Jour de Repos - Plage en côte nord de Rupert

Météo : Beau en matinée puis couvert. Vent virant au sud. Grains orageux en fin de journée
Beau en matinée puis couvert. Vent virant au sud. Grains orageux en fin de journée Calme et silencieuse, la nuit fut aussi fraîche que la précédente, la fin de l’été approchait. Avant l’aurore, le camp se trouvait encore abrité mais le bruit du clapotement des vagues sur la rive faisait craindre un changement d’orientation du vent. En sortant de la tente, sous un ciel clair, je découvrais en effet un petit air frais qui, sans être fort, avait viré du nord-ouest au sud-ouest, autrement, il venait maintenant exactement de la direction où nous allions. Si nous avions du lever le camp ce matin, nous aurions été vent debout, autrement dit complètement de face, une allure pénible et fatigante, d’autant plus en cas de clapot probable. Mais aujourd’hui, comme convenu, c’était relâche pour la seconde fois du voyage. L’essentiel de l’équipage restait donc chaudement emmitouflé dans le duvet, grasse matinée autorisée pour compenser notre avance et profiter du lieu plutôt sympathique. Lentement, l’équipe émergea de sa torpeur alors que le soleil s’élevait mollement sans le ciel au-dessus de la rivière à travers des nappes éparses et filandreuses de cirrus élevés.

Les deux canoës rangés sur la plage furent rapidement détachés de la rive par une équipe qui partait de l’autre côté de la rivière large à cet endroit de deux kilomètres environ. Au terme d’une traversée contre un petit clapot sur lequel les canoës inhabituellement vides rebondissaient, nous atteignions une petite anse au sud repérée la veille sur les cartes. Tandis que nos deux habiles pêcheurs Jean et Denis laçaient leurs lignes à l’abri du vent à la poursuite de la truite ou du doré, ou à défaut du brochet, Anne débarquait et partait seule à l’ascension de la colline qui nous surplombait depuis quelques jours. Pour ma part, l’explorais la petite anse profonde de quelques centaines de mètres vers le sud-est avec de jolies petites îles colonisées là aussi par des bosquets d’épinettes. Karin et Patrick, quant à eux, étaient restés au campement pour entretenir et réparer leur matériel. Après une heure environ à vaquer chacun à nos activités respectives, nous apercevions sur les flancs de la colline la silhouette d’Anne redescendre à pas vif dans l’herbe à caribou à mi-taille, nous révélant sa renonciation à atteindre le sommet en raison d’un thalweg profond lui barrant la route, occupé par un bois suffisamment dense et opaque pour faire une excellente cache d’ours à l’affût, de quoi donner la furieuse envie de rebrousser chemin promptement.

Au retour vers la rive nord, un très étrange isthme de sable attira notre attention. Extrêmement mince, environ 1 m 50 au plus étroit et très bas sur l’eau, 15 cm tout au plus, cette mince bande de sable et de petits galets longue de plus de 500 mètres reliait la rive nord à une petite île avancée au tiers de la largeur de la rivière. Il s’agissait là d’une très étonnante formation comme nous n’en avions jamais vu jusqu’alors, incapables d’en déterminer l’origine géologique, sans doute liée aux éléments qui agitent perpétuellement les flux dans la rivière ; courants, vents et variation des niveaux d’eau.

Plus loin, sur le chemin du retour vers le campement le long de la rive, l’anse de la cabane visitée la veille constitua aussi une curiosité avec ses fines avancées de sables élancées sur des centaines de mètres.

Au campement, nos amis pêcheurs se révélaient bredouilles, pas la moindre touche, sans doute confrontés à des poissons un peu plus malins à l’approche de la civilisation. Ils avaient en revanche préparé un repas « frugal » selon eux avec de la salade, une délicieuse tarte à l’oignon, et du fromage accompagné du délicieux pain fabriqué par Denis et cuit au feu de bois dans un four aménagé entre les pierres du foyer. C’était en quelque sorte une sorte d’encas à la française, juste histoire de ne pas tomber en hypoglycémie, un risque quasi nul avec cette équipe de cuistots baroudeurs. Après quoi, La sieste sur le sable encore chaud ou sous les tentes aérées par un léger courant d’air n’en fut que plus savoureuse Mais ce vent, fixement orienté au sud désormais, n’était pas un bon signe d’autant plus que nous avions déjà largement chuté sous le marais barométrique de 1013 hPa, certains de nos équipements annonçant même une plongée dépressionnaire vertigineuse à 975 hPa. Et en effet, à l’ouest, le ciel devenait de plus en plus sombre, bientôt accompagné des grondements sourds du tonnerre. Une première cellule orageuse passait au nord sans nous affecter, une seconde au sud, mais la troisième arriva droit sur nous avec un véritable déluge de pluie. Après avoir été gratifiés de trois jours de temps à peu près clément, nous n’étions plus habitués, ni disposés, à composer avec de mauvaises conditions climatiques et leurs aléas associés, matériel et vêtements trempés notamment. Cela ne vint en aucun cas compromettre une nouvelle excellente soirée gastronomique à l’abri sous la bâche au coin du feu qui se maintenait malgré les averses. Seul Jean fut contraint de déménager sa tente, la pointe où il s’était installé la veille étant maintenant complètement exposée aux bourrasques de ce fort vent du sud.