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Si les deux phénomènes sont liés, créés par la même force de Coriolis, l'effet recherché au départ n'est plus celui visé au 25ème jour de mer. En effet, les Alizés sont formés par un vent des régions intertropicales (entre les deux tropiques), soufflant d'est en ouest de façon régulière des hautes pressions subtropicales vers les basses pressions équatoriales. Dans l'hémisphère nord, il souffle du nord-est vers le sud-ouest, dans l'hémisphère sud du sud-est vers le nord-ouest. Dans la zone traversée par les skippers de la Bouvet Guyane, son influence est particulièrement marquée au nord de l'archipel des îles de Cap Vert jusqu'à l'Arc Antillais, autrement dit un peu plus au nord que la route théorique suivie par les skippers (l'orthodromie) entre Dakar et Cayenne. Le phénomène se caractérise par des vents tempérés qui influencent les courants de surface. Au milieu de l'Atlantique, ces vents proviennent de l'Est-nord/est et soufflent de façon assez soutenue vers l'ouest-sud/ouest. Une route nord aurait donc pu permettre aux marins qui s'y engageaient de profiter de l'influence de ces vents. Il s'est en effet avéré que les vents étaient plus soutenus et mieux orientés pour les marins qui avaient choisi l'option nord. |
Néanmoins, au fil de la traversée, la localisation des courants a évolué, et l'option nord s'est rapidement révélée moins avantageuse. La configuration actuelle des courants à l'approche de l'objectif ne permet pas une route directe vers Cayenne. Les rameurs du nord ont donc abandonné l'option nord pour infléchir leur cap vers le sud et rejoindre au plus vite à la faveur d'une bonne passe entre plusieurs contre-courants le courant sud-équatorial dont les eaux sont littéralement poussées vers l'embouchure de l'Amazone et les côtes de Guyane où elles s'accélèrent sensiblement. Ce fameux courant dont les skippers convoitent à présent les meilleures veines depuis plusieurs jours est en fait la branche Sud du courant équatorial, ou "courant Sud-équatorial", qui prend sa source au fond du golfe de Guinée avant de s'épanouir vers l'Ouest sur une largeur qui peut atteindre par endroit 300 milles. Ce courant alimenté par les eaux apportées du Sud de l'Afrique par le courant de Benguela court d'abord vers le milieu de l'Atlantique où il se divise en deux branches : la première - celle qui nous intéresse - suit la côte Nord de l'Amérique du Sud sous le nom de "courant de la Guyane", pour pénétrer en bout de course dans la mer des Antilles en mêlant ses eaux à celles du courant des Antilles qui va alimenter le Gulf Stream sur l'Atlantique Nord. L'autre branche, qui prend le nom de courant du Brésil, s'en va au contraire vers le sud jusqu'en Argentine où il est stoppé par l'afflux, depuis le Sud, du courant froid des Falkland. Si ces phénomènes sont pris en considération en navigation classique à la voile, et même en marine marchande dans un souci d'économie d'énergie, leur prise en compte est primordiale dans le cas de bateaux à rames dont les vitesses sont insignifiantes, parfois même inférieures à la vitesse de certaines veines de ces courants. C'est aussi ce qui justifie que ce type de traversée ne peut se faire que dans un sens selon la latitude, de l'est vers l'ouest entre l'Afrique et les Antilles, de l'ouest vers l'est entre l'Amérique du nord et l'Europe. A cet égard, les cartes quotidiennes fournies par Mercator Ocean apportent des informations essentielles qui permettent d'anticiper les meilleures trajectoires. C'est exactement cette analyse qui a donné lieu aux bouleversements passionnants auxquels on a pu assister ces derniers jours, notamment pour éviter une vaste zone de contre-courants assez forts (voir la carte assemblée en bas de page). De son côté, Marc a pu contourner l'obstacle en abandonnant provisoirement sa route vers l'ouest pour filer vers le sud-ouest. A ce jour, il est en train d'aborder le courant sud-équatorial par le nord. Celui-ci n'étant pas tout à fait rectiligne et homogène, Marc adaptera son cap en fonction des éléments observés chaque jour même si la configuration actuelle semble être relativement stable. Il adoptera globalement un cap orienté à l'ouest avant de pénétrer dans la partie la plus puissante du courant qui le fera remonter vers l'étroite ligne d'arrivée de l'Enfant Perdu devant Cayenne. L'évolution de sa route au cours des prochaines journées permettra d'affiner l'estimation de sa date d'arrivée, probablement à la mi-mars. Aujourd'hui, malgré des conditions qui restent globalement difficiles, Marc a su trouver un rythme qui lui convient et navigue de plus en plus sereinement. Il aborde en ce moment même le franchissement d’une chaîne de montagnes sous-marines, la fameuse dorsale médio-atlantique qui continue d'ouvrir l'océan de 2 à 3 centimètres par an. Une croissance importante sur le plan géologique mais qui ne devrait pas trop gêner nos marins de la Bouvet Guyane. |
![]() ![]() ![]() ![]() Alizés = vents dominant sur l’Atlantique entre l’Afrique occidentale et l’arc antillais |
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