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Miracle de la technologie, ces échanges téléphoniques depuis un canot de taille infinitésimale au milieu de cet océan immense étonne même les plus blasés. Mais en même temps, cette déconcertante facilité peut contribuer à une certaine banalisation de l’aventure vécue car cette proximité du son et parfois de l’image donne le sentiment d’être au plus près de celui qui se trouve à bord du canot, d’en partager en quelque sorte un peu du quotidien comme si celui-ci n’était pas si éloigné. C’est évidemment une image tronquée, nul qui ne connaît l’expérience physique d’un isolement total au milieu d’un espace pour lequel la nature humaine n’a pas été conçue, ne peut imaginer le quotidien de ces marins embarqués sur leurs minuscules canots à la merci des vents et des courants. Affichée au mur, la carte du tracé révèle les positions, montrant distinctement la longitude qui marque la moitié du parcours (34°W). Marc y est presque, et on aimerait légitimement se laisser emporter par ce courant euphorique en imaginant l’arrivée de Marc comme un événement imminent, comme si le fait de l’entendre avec une telle aisance nous assurait de son succès. La réalité du défi que s’est lancé Marc voilà plus de 20 jours à présent reste toutefois beaucoup plus complexe. Si la seconde partie de la traversée devrait théoriquement être plus rapide, encore faudra t-il analyser précisément toutes les données disponibles, et en particulier les informations quotidiennes des courants océaniques (Mercator Ocean). La ligne d’arrivée, large de 2.5 milles nautiques est un espace ridiculement étroit au regard de la distance parcourue. Et pourtant, c’est cette ligne qui officialise le succès de l’aventure, tous les skippers doivent donc dés le départ affiner leur route pour viser cette ligne en tenant compte d’une multitude de paramètres. S’agissant des côtes de l’Amérique du Sud entre la Corne du Brésil et l’Arc Antillais, l’approche venant du large constitue un exercice d'autant plus délicat lorsque la vitesse des navires est insignifiante. Cette zone se trouve animée par une forte activité océanique. De grandes masses d'eau contiguës de densités et de températures différentes sont en friction permanente, ce qui créé des courants et des contres courants parfois puissants, notamment le fameux courant équatorial qui longe les côtes d’Est en Ouest à la vitesse moyenne de 2 nœuds, soit une vitesse quasiment égale à la vitesse des canots. Ce phénomène connu, tous les skippers l’ont anticipé dans la préparation de leur route afin d’éviter une dérive vers l’ouest qui les ferait passer au large de la ligne sans jamais pouvoir l’atteindre. En revanche, d’autres phénomènes apparaissent bien moins prévisibles telle cette zone de convergence de courants contraires et traversiers présente depuis plus d’un mois sur la zone que Marc est précisément en train d’aborder (voir carte de situation ci-dessous). Il va devoir négocier le franchissement de cette zone, soit par le nord, soit par le sud. La première option aurait sans doute été la plus judicieuse, mais la houle et les vents semblent empêcher Marc de remonter vers la latitude 10°N qui aurait été idéale pour contourner l’obstacle en profitant de son côté favorable. Les jours à venir vont être déterminants et les suivants tout autant. En effet, plusieurs skippers ont déjà obliqué vers le sud, dans l’objectif d’éviter une succession d’autres phénomènes problématiques qui se profilent à l’ouest d’une manière de plus en plus dense à l’approche des côtes. Les plus au sud ambitionnent même de gagner au plus vite le courant équatorial. Cette situation complexe expose les skippers à un dilemme délicat : la route nord bénéficierait des vents les plus favorables mais avec une série de zones de courants difficiles à aborder, tandis que la route sud paraît plus sûre concernant les courants mais avec des vents bien moins généreux. La position de Marc dans 24 h lui permettra de faire un choix : ou bien, il pourra adopter une route au 280° et passera alors au nord de la première zone problématique, ou bien, les conditions ne lui permettront pas de suivre un tel cap et il devra alors à son tour obliquer vers le sud pour laisser la zone au nord. Les semaines à venir s’annoncent déterminantes, elles contribueront sans nul doute à offrir à l’aventure un reflet au plus près de sa réalité. |
![]() ![]() ![]() ![]() Alizés = vents dominant sur l’Atlantique entre l’Afrique occidentale et l’arc antillais |
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