Imaginez alors un carrelage froid, aux dalles lisses
et impeccables, sur lesquelles la chute du moindre
petit objet provoque un bruit retentissant. Vous
êtes allongés sur ce carrelage et soudain, une benne
lourdement chargée y déverse des tonnes de galets,
ces galets fins qui en s'écrasant sur le sol
bruyamment, s'éparpillent partout dans un vacarme
assourdissant, vous ne savez pas si la vague va vous
atteindre, vous attendez fébrilement qu'elle vous
frappe par le travers et vous renverse sur le côté,
la peur au ventre, dans une atmosphère sombre, moite et humide. A l’intérieur de l’habitacle, le
bruit de la déferlante invisible peut en effet
ressembler à ces galets sur du carrelage. Pour ceux
qui n'avaient encore jamais vécu cette expérience,
c'est le grand baptême du Large. Voilà donc ce que
ces marins ont subi depuis hier soir, toute la nuit,
et une bonne partie de la journée, communiquant sans
relâche avec leurs routeurs pour relever la météo et
savoir quand ce fichu coup de vent prendra fin. La
capacité du genre humain à résister à cette
hostilité oppressante est très variable, certains
ont tenté malgré tout de ramer, au prix d'une
certaine prise de risque, d'autres ont au contraire
décidé de faire le dos rond en sécurité dans leur
habitacle jusqu'au retour au calme, les autres ont
subi, tant bien que mal cette épreuve. Plusieurs se
sont retournés et se sont redressés, non sans
quelques inévitables avaries. Aucun ne ressortira
vraiment indemne de cet épisode tempétueux, mais une
telle traversée ne peut s'envisager sans qu'au moins
une fois, l'océan ne rappelle sa réalité à tous ceux
qui s’y aventurent ainsi.
Dans cette tourmente de 36 heures, Marc s'en est
plutôt bien sorti, son caractère et sa détermination
comme remèdes au mal lui auront été des alliés
essentiels, mais il a tout de même trouvé le temps
long, attendant sagement mais avec grande impatience
le retour de conditions plus clémentes. Ce ne sera
pas avant la nuit ou peut-être même demain matin.
Mais après, des vents bien plus cléments (10 à 15
nœuds) vont balayer la zone et seront pour la
première fois Est-Nord-Est, de quoi lui permettre de
filer enfin plein ouest, peut-être les prémices des
Alizés ...
pour info : 1 mille = 1.852 km - Cap 260 ° = ouest /
nord / ouest
Alizés = vents dominant sur l’Atlantique entre
l’Afrique occidentale et l’arc antillais
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